dimanche 11 août 2013

ANDRE BRETON : « L'ADIEU A ARSHILE GORKY »

 
 
 
Arshile Gorky à la fin des années 20



Que tu étais grand tes bras ouverts
Ta voix était un nid d'aigle
Quand tu chantais sans cape les vieilles chansons russes
Tu avais reçu en partage la ligne pure
A ne savoir qu'en faire
Et le lourd filet que tu ramenais seul
Du fond des temps
A longues brassées mêlait les charmes de la saison et les souvenirs
Il fallait te voir sur le motif
Toi et le splendide aveugle qui te doublait
Le figuratif et le non-figuratif
C'est toi qui faisais craquer ce pain sec
Je te revois avec ton bâton de la fable
Parmi les étoiles et les arbres fleuris
Je me déchire de ta destinée
Comme ils se sont acharnés mon vieil Arshile
Ah il aime le feu où est sa maison qu'on brûle
Elle et ce qu'il y garde le témoignage de vingt ans d'efforts désintéressés
En rupture avec tout ce qui se voit aujourd'hui
Tu m'allèches, maudissons-le disait la cendre à la braise.
Et comme ce n'était pas assez,
Ils ont tenu à te mettre de ton propre rouge à l'endroit du soleil de ta personne.
Puis, comme tu revenais,
Ils t'ont guetté pour te rompre le cou
En ce point le plus tendre que tu aimais
Faire rayonner ta fille-fée
Pour voir à vous deux plus loin.
Qui sait s'ils n'avaient pas d'autres tours dans leur sac
Il ne t'est plus resté
Qu'à te donner la mort tragique de Gérard de Nerval.
Que tu es haut
Dans l'air
Moins que dans ce que tu nous laisses
Moins que ton nom
Pointé sur les grandes tempêtes de mon cœur.


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