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dimanche 15 septembre 2013

LOUIS ARAGON "LES MOTS M'ONT PRIS PAR LA MAIN" (LE ROMAN INACHEVE 1956)

 
 
 
 
 
LOUIS ARAGON

"LES MOTS M'ONT PRIS PAR LA MAIN" (LE ROMAN INACHEVE 1956)

Nous étions trois ou quatre au bout du jour ...
assis
A marier les sons pour rebâtir les choses
Sans cesse procédant à des métamorphoses
Et nous faisions surgir d'étranges animaux
Car l'un de nous avait inventé pour les mots
Le piège à loup de la vitesse
Garçon de quoi écrire Et naissaient à nos pas
L'antilope-plaisir les mouettes compas
Les tamanoirs de la tristesse
Images à l'envers comme on peint les plafonds
Hybrides du sommeil inconnus à Buffon
Êtres de déraison Chimères
Vaste alphabet d'oiseaux tracé sur l'horizon
De coraux sur le fond des mers
Hiéroglyphes aux murs cyniques des prisons
N'attendez pas de moi que je les énumère
Chasse à courre aux taillis épais Ténèbre-mère
Cargaison de rébus devant les victimaires
Louves de la rosée Élans des lunaisons
Floraisons à rebours où Mesmer mime Homère
Sur le marbre où les mots entre nos mains s'aimèrent
Voici le gibier mort voici la cargaison
Voici le bestiaire et voici le blason
Au soir on compte les têtes de venaison
Nous nous grisons d'alcools amers
O saisons
Du langage ô conjugaison
des éphémères
Nous traversons la toile et le toit des maisons
Serait-ce la fin de ce vieux monde brumaire
Les prodiges sont là qui frappent la cloison
Et déjà nos cahiers s'en firent le sommaire
Couverture illustrée où l'on voit Barbizon
La mort du Grand Ferré Jason et la Toison
Déjà le papier manque au temps mort du délire

Garçon de quoi écrire



samedi 24 août 2013

LOUIS ARAGON : AINSI PRAGUE

 
 
 
Vitezslav Nezval AUTOPORTRAIT 1935 DEDICACE A BRETON
 
 





AINSI PRAGUE (LOUIS ARAGON)



Ainsi Prague a perdu son âme et son poète
Lorsque j'irais tantôt je ne l'y verrais pas
Et son cœur s'est brisé comme un verre qu'on jette
A la fin du repas.
Lorca, Maïakovski, Desnos, Apollinaire,
Leurs ombres longuement parfument nos matins,
Le ciel roule toujours les feux imaginaires
De leurs astres éteints.
Contre le chant majeur la balle que peut-elle ?
Sauf contre le chanteur, que peuvent les fusils ?
La terre ne reprend que cette chair mortelle
Mais non la poésie !

Ce siècle est au-delà du minuit de son âge
Ses poètes n'ont plus besoin d'être achevés
Ils ont usé leur vie au danger des images
Et croient avoir rêvé.
Il se fit dans Paris un silence de neige
Un réveil de Novembre à neuf heures battant
Quand Eluard partit rejoindre le cortège
Nezval meurt au printemps.
C'est de sa belle mort comme disent les hommes
Qu'il meurt Nezval et tout par conséquent est bien
Il ne faut pas pleurer dans ce siècle où nous sommes
Cela ne sert à rien !

Il meurt l'enfant terrible au jour des primevères
Pâques éperdument auront sonné pour lui
Ses paupières fermées ses doigts se sont ouverts
Ses derniers vers ont luit.
Dans ce monde en gésine, inhumain, pathétique,
Il tourne au firmament à jamais ses yeux bleus,
Visages émerveillés des peintures gothiques
Soleil de quand il pleut.
Il est entré vivant dans les cieux du folklore
Y chantant sa mère et la paix pareillement
Il nous montre demain comme une bague d'or
Dans la main d'un amant.

Nezval de qui le nom notre lèvre façonne
Nezval attend un peu, j'arrive à tes côtés
Du jour qui fut si beau déjà le soir frissonne

Et d'autres vont chanter !
 
 
Vítězslav Nezval, né le 26 mai 1900 à Biskoupsky, près de Brno et mort à Prague le 6 avril 1958, était un poète, co-fondateur du « poétisme » au sein du mouvement artistique Devětsil, romancier, essayiste et journaliste tchécoslovaque.
Il fonde le premier groupe surréaliste tchécoslovaque en 1934
 
 
 
 
 


mardi 20 août 2013

LOUIS ARAGON : L'ETRANGERE



L'Etrangère.

Il existe près des écluses
Un bas quartier de bohémiens
Dont la belle jeunesse s'use
À démêler le tien du mien
En bande on s'y rend en voiture,
Ordinairement au mois d'août,
Ils disent la bonne aventure
Pour des piments et du vin doux.

On passe la nuit claire à boire
On danse en frappant dans ses mains,
On n'a pas le temps de le croire
Il fait grand jour et c'est demain.
On revient d'une seule traite
Gais, sans un sou, vaguement gris,
Avec des fleurs plein les charrettes
Son destin dans la paume écrit.

J'ai pris la main d'une éphémère
Qui m'a suivi dans ma maison
Elle avait des yeux d'outremer
Elle en montrait la déraison.
Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon,
J'aimais déjà les étrangères
Quand j'étais un petit enfant !

Celle-ci parla vite vite
De l'odeur des magnolias,
Sa robe tomba tout de suite
Quand ma hâte la délia.
En ce temps-là, j'étais crédule
Un mot m'était promission,
Et je prenais les campanules
Pour des fleurs de la passion.

À chaque fois tout recommence
Toute musique me saisit,
Et la plus banale romance
M'est éternelle poésie
Nous avions joué de notre âme
Un long jour, une courte nuit,
Puis au matin : "Bonsoir madame"
L'amour s'achève avec la pluie.


Louis Aragon


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Léo Ferré - L'étrangère
 
 
 
 

LOUIS ARAGON : CHANSON NOIRE



 
 
Louis Aragon (1897-1982)


Chanson noire


Mon sombre amour d'orange amère
Ma chanson d'écluse et de vent
Mon quartier d'ombre où vient rêvant
Mourir la mer

Mon doux mois d'août dont le ciel pleut
Des étoiles sur les monts calmes
Ma songerie aux murs de palme
Où l'air est bleu

Mes bras d'or mes faibles merveilles
Renaissent ma soif et ma faim
Collier collier des soirs sans fin
Où le coeur veille

Dire que je puis disparaître
Sans t'avoir tressé tous les joncs
Dispersé l'essaim des pigeons
A ta fenêtre

Est-ce qu'on sait ce qui se passe
C'est peut-être bien ce tantôt
Que l'on jettera le manteau
Dessus ma face

Et tout ce langage perdu
Ce trésor dans la fondrière
Mon cri recouvert de prières
Mon champ vendu

Coupez ma gorge et les pivoines
Vite apportez mon vin mon sang
Pour lui plaire comme en passant
Font les avoines

Il me reste si peu de temps
Pour aller au bout de moi-même
Et pour crier Dieu que je t'aime
Je t'aime tant
 
 
 
 
30 janvier 1961
Hélène MARTIN chante "La chanson noire", sur une poésie de Louis ARAGON. Émissions TV
Images d'archive INA
Institut National de l'Audiovisuel

 http://www.youtube.com/watch?v=4pltMM66Ylc


et également...
 

GERMAIN NOUVEAU : UN PRECURSEUR ?



Germain Marie Bernard Nouveau, né le 31 juillet 1851 à Pourrières (Var) où il est mort le 4 avril 1920, est un poète français.

Il eut une grande influence sur les surréalistes et Aragon.



 
 
 
 
 
 
 

Louis Aragon – les Lettres Françaises, 7 octobre 1948

« A l’heure où se débat pour le poète des Illuminations tout le drame de sa vie, il y a près de lui un jeune homme, un autre lui même, son compagnon de Londres, Germain Nouveau,(…) Mais Nouveau, lui, n’est, ne demeure que le domaine de quelque uns. Et cependant jamais ils n’ont voulu faire de l’auteur des Valentines et de Savoir aimer ce qu’il est : non un poète mineur, mais un grand poète. Non un épigone de Rimbaud : son égal. »
 
 

André Breton – Conférence de Barcelone, Novembre 1922

« Il rôde actuellement de par le monde quelques individus pour qui l’art a cessé d’être une fin… Chacun de vous sait qu’une œuvre comme celle de Rimbaud ne s’arrête pas, comme l’enseigne les manuels, en 1875 (…). Elle est doublée en ce sens de celle d’un autre grand poète malheureusement peu connu, Germain Nouveau, qui de bonne heure renonça même à son nom et se mit à mendier. La raison d’une telle attitude défie étrangement les mots,(…) »
 
 

Jacques Lovichi auteur en 1961 (rééditées en 2005) de la thèse en «G. Nouveau, Précurseur du surréalisme?»

« Mystique et sensuel Nouveau l’a été, certes, (…). Sa vie loin d’être exemplaire, est cependant d’un haut exemple. On y voit comment un homme, ni meilleur ni pire qu’un autre, a eu, en toute circonstances, le souci d’aller au bout de lui-même. Cette recherche de l’authenticité à tout prix menée parallèlement dans la vie et dans l’œuvre, bien rares sont les artistes qui peuvent se vanter de l’avoir poussé jusqu’au extrêmes limites…
 
 
 
 

Amour

 Germain Nouveau



Je ne crains pas les coups du sort,
Je ne crains rien, ni les supplices,
Ni la dent du serpent qui mord,
Ni le poison dans les calices,
Ni les voleurs qui fuient le jour,
Ni les sbires ni leurs complices,
Si je suis avec mon Amour.

Je me ris du bras le plus fort,
Je me moque bien des malices,
De la haine en fleur qui se tord,
Plus caressante que les lices ;
Je pourrais faire mes délices
De la guerre au bruit du tambour,
De l'épée aux froids artifices,
Si je suis avec mon Amour.

Haine qui guette et chat qui dort
N'ont point pour moi de maléfices ;
Je regarde en face la mort,
Les malheurs, les maux, les sévices ;
Je braverais, étant sans vices,
Les rois, au milieu de leur cour,
Les chefs, au front de leurs milices,
Si je suis avec mon Amour.

ENVOI

Blanche Amie aux noirs cheveux lisses,
Nul Dieu n'est assez puissant pour
Me dire : " Il faut que tu pâlisses ",
Si je suis avec mon Amour.



 
 

vendredi 2 août 2013

LOUIS ARAGON ET LE REVE

 
Louis Aragon pendant le tournage de Magazine des arts DANIEL FALLOT 12 02 59
 
 
 
 
"Il est permis de rêver. Il est recommandé de rêver. Sur les livres et les souvenirs. Sur l'Histoire et sur la vie." Louis Aragon

mercredi 31 juillet 2013

CONTRE GIORGIO DE CHIRICO


CI GIT GIORGIO DE CHIRICO-Photographie représentant une parodie d'un tableau de De Chirico faite pour La Révolution surréaliste. (n° 11, 15 mars 1928)

Le photographe est anonyme mais il semblerait que le montage soit de Breton et Aragon.
Annotation manuscrite d'André Breton au dos : « Prière de soigner particulièrement ce cliché. »


En 1923, le groupe Valori Plastici rompt avec le futurisme en publiant une sorte de manifeste Le Néo-classicisme dont le « ton paraît [...] bien proche du fascisme arrivé au pouvoir. » C'est alors que Chirico adhère à Valori Plastici. Il peint ses séries de Villes romaines, Fils prodigue et Argonautes à la grande déception d'André Breton : « Chirico, en continuant de peindre, n'a fait depuis dix ans que mésuser d'un pouvoir surnaturel... Cette escroquerie au miracle n'a que trop duré. »
La rupture définitive avec les surréalistes intervient en 1928. En réponse à sa nouvelle exposition organisée par Paul Guillaume, les surréalistes organisent une contre-exposition à laquelle ils donnent pour titre Ci-gît Giorgio De Chirico]. Dans un compte rendu de cette exposition, Raymond Queneau conclut « qu'il est inutile de s'attarder derrière [ce] grand peintre [...] Une barbe lui a poussé au front, une sale vieille barbe de renégat. » Cinquante ans plus tard, De Chirico répondra : « J'aurais préféré qu'on s'occupe de moi d'une façon plus intelligente. Mais je ne peux rien faire contre. »
La polémique n'empêche pas Chirico de poursuivre son œuvre dans une voie plus académique mais aussi plus rémunératrice. Il s'entoure d'aides pour reproduire ses propres tableaux et investir ainsi les marchés européen et américain de l'Art, déclinant à l'infini ses tableaux dans son style métaphysique.