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vendredi 13 septembre 2013

EDGAR ALLAN POE (1809-1849)

 
 
 
 
 Nombre de ses récits préfigurent les genres de la science-fiction et du fantastique
 
.Les surréalistes ont exprimé un grand intérêt pour l'œuvre de Poe. André Breton l'a ainsi intégré dans son Anthologie de l'humour noir, affirmant qu'il « est surréaliste dans l'aventure »

mercredi 11 septembre 2013

Charles Cros (1842-1888)



Charles Cros est né à Frabrezan dans l'Aude en 1842. Issu d’une famille très érudite et ayant eu une éducation irréprochable, dès son adolescence il étudie le sanscrit, l'hébreu ainsi que la musique et les mathématiques. Il obtint son Baccalauréat à ‘âge de 14 ans. Il paraît même qu’il aurait imaginait le principe du phonographe en créant des épreuves photographiques en couleur avant Edison...

Tour à tour grand savant et grand poète, Charles Cros côtoie la bohême littéraire dès l’année 1867, il rencontre ainsi sa maîtresse Nina de Villard et surtout Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, ainsi que bien d’autres artistes de son époque. C’est à ce moment de sa vie qu’il fait ses premiers pas en poésie dans L'Artiste en 1869. 1870 est l’année où Charles Cros débute l’écriture de nombreux poèmes du Coffret de Santal, ce recueil paraîtra en 1873. Ses activités littéraires se multiplient, il collabore au Tombeau de Théophile Gautier. En 1874, il devient rédacteur en chef de La Revue du Monde Nouveau, et publie dans un même temps Le Fleuve, et en 1876, les Dixains Réalistes. Charles Cros fréquente le cabaret Le Chat Noir et il se lie avec Alphonse Allais, c’est aussi cette même année, 1876, qu’il croise le chemin du comédien Coquelin cadet et commence à écrire des monologues. Il s'agit d'un renouvellement complet du genre.

Deux ans plus tard, en 1878, Charles Cros épouse Mary Hjardemaal dont il a deux fils, Guy-Charles et René. Mais très vite la santé devient fragile : vie de bohême et abus d’absinthe. En 1879, Charles Cros continue ses collaborations littéraires, avec par exemple sa participation à des revues comme L'Hydropathe et Le Molière, et il en profite pour rééditer Le Coffret de Santal, pour lequel il a reçu le prix Juglar. Il continuera à écrire pour différentes revues jusqu'à la fin de sa vie, et en parallèle publiera certains de ces fameux monologues. 1884 est une année charnière de la vie du poète, Nina de Villard décède, et l’année suivante, son alcoolisme s'aggrave, sa femme tombe malade, et sa situation financière se porte au plus mal.

L'œuvre poétique de Charles Cros tient pour l'essentiel en deux recueils : Le Coffret de Santal, et Le Collier à Griffes, recueil qui reprend des pièces composées dans les dix ou quinze dernières années de sa vie, que son fils Guy-Charles Cros publiera en 1908, pour les vingt ans de la mort de son père. A sa mort en 1888, la plus grande partie de son oeuvre reste inédite.
Son œuvre se compose de beaux textes, on évoquera entre autres : Le Fleuve (illustré de huit eaux-fortes de Manet) 1874 ; Le Capitaliste, Le Maître d'Armes, Autrefois, L'Homme Raisonnable, dans Saynètes et Monologues, 3e et 4e série en 1878 ; Le Violon dans Théâtre de Campagne, 8e série en 1882 ; ou enfin La Proprété, Monologue en 1888 (année de sa mort).

Il s’éteint au cours de l’année 1888.


Son œuvre de poète, brillante (elle sera plus tard l'une des sources d'inspiration du surréalisme) est cependant ignorée à son époque. Il le résume amèrement dans ce poème caractéristique :

 Je sais faire des vers perpétuels. Les hommes
Sont ravis à ma voix qui dit la vérité.
La suprême raison dont j'ai fier, hérité
Ne se payerait pas avec toutes les sommes.

J'ai tout touché : le feu, les femmes et les pommes ;
J'ai tout senti : l'hiver, le printemps et l’été ;
J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté.
Mais Chance, dis-moi donc de quel nom tu te nommes ?

Je me distrais à voir à travers les carreaux
Des boutiques, les gants, les truffes et les chèques
Où le bonheur est un suivi de six zéros.

Je m'étonne, valant bien les rois, les évêques,
Les colonels et les receveurs généraux
De n'avoir pas de l’eau, du soleil, des pastèques.



Robert Desnos et Louis Aragon rendront hommage au poète et à son rôle important dans la littérature.…

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Le Hareng Saur

Charles Cros (1842-1888)
 
 
A Guy.

Il était un grand mur blanc - nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle - haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur - sec, sec, sec.

Il vient, tenant dans ses mains - sales, sales, sales,
Un marteau lourd, un grand clou - pointu, pointu, pointu,
Un peloton de ficelle - gros, gros, gros.

Alors il monte à l'échelle - haute, haute, haute,
Et plante le clou pointu - toc, toc, toc,
Tout en haut du grand mur blanc - nu, nu, nu.

Il laisse aller le marteau - qui tombe, qui tombe, qui tombe,
Attache au clou la ficelle - longue, longue, longue,
Et, au bout, le hareng saur - sec, sec, sec.

Il redescend de l'échelle - haute, haute, haute,
L'emporte avec le marteau - lourd, lourd, lourd,
Et puis, il s'en va ailleurs - loin, loin, loin.

Et, depuis, le hareng saur - sec, sec, sec,
Au bout de cette ficelle - longue, longue, longue,
Très lentement se balance - toujours, toujours, toujours.

J'ai composé cette histoire - simple, simple, simple,
Pour mettre en fureur les gens - graves, graves, graves,
Et amuser les enfants - petits, petits, petits.

 

mardi 20 août 2013

FRANCIS POULENC / LES MAMELLES DE TIRESIAS

 
 
 
 

 
 

 
 

 
FRANCIS POULENC LES MAMELLES DE TIRESIAS 1954 ANDRE CLUYTENS
 
 
 
 
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Denise Duval (soprano) Francis Poulenc (piano) Enregistré en 1959.
 
 


GUILLAUME APOLLINAIRE




« Il est grand temps de rallumer les étoiles. »

GUILLAUME APOLLINAIRE-LES MAMELLES DE TIRESIAS


 
Guillaume Apollinaire, par Roger Toulouse
 
 
 
 

LES MAMELLES DE TIRESIAS





A L'ORIGINE D'UN MONDE...

Les Mamelles de Tirésias est un drame « surréaliste » en deux actes et un prologue de Guillaume Apollinaire, créée au conservatoire Maubel le 24 juin 1917 dans une mise en scène de Pierre Albert-Birot un décor de Serge Férat, avec des costumes d'Irène Lagut. La musique était de Germaine Albert-Birot.

L'auteur a été inspiré par le devin aveugle de Thèbes, Tirésias, tout en appliquant des couleurs provocatrices, féministes et antimilitaristes. L'histoire se base sur celle de Térésa, qui change de sexe pour gagner du pouvoir parmi les hommes. Son but est de modifier les coutumes, rejetant le passé pour y établir l'égalité des sexes.

La première de la pièce fait scandale pour notamment ses allusions à la Première Guerre mondiale.

Cette œuvre est, plus tard, adaptée en opéra comique (opéra-bouffe), créée au Théâtre national de l'Opéra-Comique le 3 juin 1947 par le compositeur Francis Poulenc, intitulée Les Mamelles de Tiresias et dont l'actrice principale est Denise Duval.



 
SEJO VIEIRA-LES MAMMELLES DE TIRESIAS
 
Sejo Vieira est le fondateur du Transréalisme...
 
 
"Le transréalisme est un terme proposé pour aider à mieux réaliser que l’Homme parvient, à travers les âges, à s’éloigner de son animalité, en développant sa spiritualité, ou, son pouvoir de toujours mieux considérer et se comporter.
Est précisé que ce concept  s’appuie sur les seules  facultés tangibles de l’esprit humain pour concrétiser l’idéal qu’il définit.  Cela implique, notamment, que son «  réalisme »  ne puisse, logiquement, s’appuyer  sur des croyances imaginaires et incertaines du divin.
En effet, Il ne suffit pas de croire au ciel pour bien, ou mieux, se comporter sur terre. Si cela s’avérait, les Hommes seraient devenus des anges depuis longtemps, du fait que le plus grand nombre croit  et pratique  des religions, depuis des temps immémoriaux, et que, de nos jours encore, ces dernières  favorisent des relations souvent plus conflictuelles que respectueuses.
 Le seul moyen de développer la culture du respect est d’accroitre la lucidité de chacun de l’importance et du bon sens de se respecter. Il importe que les Hommes réalisent l’importance et la possibilité de croire en eux avant même de croire en des Dieux, d’autant que toutes les croyances invitent les Hommes à améliorer leurs relations et comportements.
L’originalité du « Transréalisme » est de souligner que l’évolution idéale de la conscience humaine s’élabore par la culture du respect, et, surtout, de prétendre que cet idéal n’est aucunement utopique, comme le démontre l’Histoire des Hommes."


Pierre Gouverneur                         09/05/2011


 


LAUTREAMONT OU LA RENCONTRE D'UNE MACHINE A COUDRE ET D'UN PARAPLUIE



Isidore Lucien Ducasse, né à Montevideo (Uruguay), le 4 avril 1846, et mort dans le 9eme arrondissement de Paris, le 24 novembre 1870, est un poète français. Il est également connu sous le pseudonyme de comte de Lautréamont, qu’il emprunta très probablement au Latréaumont d’Eugène Sue et qu'il n'utilisa pourtant qu'une seule fois.
Il est l'auteur des Chants de Maldoror, de deux fascicules, Poésies I et Poésies II, ainsi que d'une correspondance habituellement publiée sous le titre de Lettres, en appendice des œuvres précédentes[1]. Son œuvre compte parmi les plus fascinantes du XIXe siècle, d'autant plus que l'on a longtemps su très peu de choses sur son auteur, mort très jeune, à vingt-quatre ans, sans avoir reçu une once de succès de son vivant. Sa vie a donc donné lieu à de nombreuses conjectures, en particulier chez les surréalistes, qui essayaient notamment de trouver des éléments biographiques dans ses poèmes. Il faut donc faire la part entre les informations dont nous sommes sûrs, et la littérature qui s'est formée autour du personnage de Lautréamont.



 
 
 
André Breton évoque Ducasse plusieurs fois dans ses Manifestes du surréalisme : « Les types innombrables d’images surréalistes appelleraient une classification que, pour aujourd’hui, je ne me propose pas de tenter. [...] En voici, dans l’ordre, quelques exemples : Le rubis du Champagne. Lautréamont. Beau comme la loi de l’arrêt du développement de la poitrine chez les adultes dont la propension à la croissance n’est pas en rapport avec la quantité de molécules que leur organisme s’assimile. Lautréamont. »  Il dit aussi dans un entretien : « Pour nous, il n'y eut d'emblée pas de génie qui tînt devant celui de Lautréamont ».

De même, Wilfredo Lam a dessiné un projet de carte pour le Jeu de Marseille des surréalistes qui porte le nom "Lautréamont. Génie du rêve, étoile".

André Gide écrit en 1925 « J'estime que le plus beau titre de gloire du groupe qu'ont formé Breton, Aragon et Soupault, est d'avoir reconnu et proclamé l'importance littéraire et ultra-littéraire de l'admirable Lautréamont ».





Il me paraissait beau comme les deux longs filaments tentaculiformes d’un insecte ; ou plutôt, comme une inhumation précipitée ; ou encore, comme la loi de la reconstitution des organes mutilés ; et surtout, comme un liquide éminemment putrescible !
Le grand-duc de Virginie, beau comme un mémoire sur la courbe que décrit un chien courant après son maître, s’enfonça dans les crevasses d’un couvent en ruines. Le vautour des agneaux, beau comme la loi de l’arrêt de développement de la poitrine chez les adultes dont la propension à la croissance n’est pas en rapport avec la quantité de molécules que leur organisme s’assimile, se perdit dans les hautes couches de l’atmosphère.
Le scarabée, beau comme le tremblement des mains dans l’alcoolisme, disparaissait à l’horizon.
Il est beau comme la rétractilité des serres des oiseaux rapaces ; ou plutôt, comme ce piège à rats perpétuel, toujours retendu par l’animal pris, qui peut prendre seul des rongeurs indéfiniment, et fonctionner même caché sous la paille ; et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie !
  
Lautréamont, Les Chants de Maldoror
 
 
 
 

GERMAIN NOUVEAU : UN PRECURSEUR ?



Germain Marie Bernard Nouveau, né le 31 juillet 1851 à Pourrières (Var) où il est mort le 4 avril 1920, est un poète français.

Il eut une grande influence sur les surréalistes et Aragon.



 
 
 
 
 
 
 

Louis Aragon – les Lettres Françaises, 7 octobre 1948

« A l’heure où se débat pour le poète des Illuminations tout le drame de sa vie, il y a près de lui un jeune homme, un autre lui même, son compagnon de Londres, Germain Nouveau,(…) Mais Nouveau, lui, n’est, ne demeure que le domaine de quelque uns. Et cependant jamais ils n’ont voulu faire de l’auteur des Valentines et de Savoir aimer ce qu’il est : non un poète mineur, mais un grand poète. Non un épigone de Rimbaud : son égal. »
 
 

André Breton – Conférence de Barcelone, Novembre 1922

« Il rôde actuellement de par le monde quelques individus pour qui l’art a cessé d’être une fin… Chacun de vous sait qu’une œuvre comme celle de Rimbaud ne s’arrête pas, comme l’enseigne les manuels, en 1875 (…). Elle est doublée en ce sens de celle d’un autre grand poète malheureusement peu connu, Germain Nouveau, qui de bonne heure renonça même à son nom et se mit à mendier. La raison d’une telle attitude défie étrangement les mots,(…) »
 
 

Jacques Lovichi auteur en 1961 (rééditées en 2005) de la thèse en «G. Nouveau, Précurseur du surréalisme?»

« Mystique et sensuel Nouveau l’a été, certes, (…). Sa vie loin d’être exemplaire, est cependant d’un haut exemple. On y voit comment un homme, ni meilleur ni pire qu’un autre, a eu, en toute circonstances, le souci d’aller au bout de lui-même. Cette recherche de l’authenticité à tout prix menée parallèlement dans la vie et dans l’œuvre, bien rares sont les artistes qui peuvent se vanter de l’avoir poussé jusqu’au extrêmes limites…
 
 
 
 

Amour

 Germain Nouveau



Je ne crains pas les coups du sort,
Je ne crains rien, ni les supplices,
Ni la dent du serpent qui mord,
Ni le poison dans les calices,
Ni les voleurs qui fuient le jour,
Ni les sbires ni leurs complices,
Si je suis avec mon Amour.

Je me ris du bras le plus fort,
Je me moque bien des malices,
De la haine en fleur qui se tord,
Plus caressante que les lices ;
Je pourrais faire mes délices
De la guerre au bruit du tambour,
De l'épée aux froids artifices,
Si je suis avec mon Amour.

Haine qui guette et chat qui dort
N'ont point pour moi de maléfices ;
Je regarde en face la mort,
Les malheurs, les maux, les sévices ;
Je braverais, étant sans vices,
Les rois, au milieu de leur cour,
Les chefs, au front de leurs milices,
Si je suis avec mon Amour.

ENVOI

Blanche Amie aux noirs cheveux lisses,
Nul Dieu n'est assez puissant pour
Me dire : " Il faut que tu pâlisses ",
Si je suis avec mon Amour.



 
 

GUILLAUME APOLLINAIRE L'INVENTEUR DU MOT SURREALISME

 
 
 
Guillaume Apollinaire blessé à la tête en août 1916-photo dédicacée à André Breton
 
Il est  l’inventeur du mot en qualifiant de "drame surréaliste » sa pièce Les Mamelles de Tiresias en 1917.Dans la préface il écrit :
 

« Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe.Il a fait du surréalisme sans le savoir. »




vendredi 2 août 2013

HENRI GOUGAUD-LES SURREALISTES ET LE REVE 2/4

 
ODILON RODON-ARAIGNEE SOURIANTE 1881


Leur ambition n’est pas d’édifier, sur les ruines de l’art occidental, une nouvelle esthétique. Le surréalisme ne sera pas une école mais une méthode, un moyen de connaissance, un outil spirituel furieusement aiguisé. Il abattra le décor logique, révèlera son envers - un continent: le merveilleux, le rêve, la folie, l’hallucination, l’hystérie (”La plus grande découverte poétique de la fin du XIXème siècle”) seront arrachés à l’enfer, révélés, explorés, fouillés, magnifiés. Au terme de la quête profonde, l’esprit ne vivra plus seulement de raison. L’homme, enfin maître de soi jusqu’au tréfonds - gouverneur de ses sources - inventera un monde neuf.

En 1922, ainsi est énoncé le projet surréaliste. Il est clair que l’on ne va pas superficiellement jouer avec le rêve, chercher en lui de quoi raviver sans douleur l’image poétique. On va explorer ses labyrinthes, au risque de s’y perdre, on va tenter d’en découvrir les véritables limites, trop indécises à travers la lunette littéraire, trop sommairement tracées par la psychologie. Le groupe “Littérature”, sous l’impulsion de Breton, décide d’en systématiser l’étude. Dès lors, les surréalistes vont rêver jusqu’à la presque mort, et mener au jour quelques unes des oeuvres majeures de notre temps.

Les oeuvres, d’abord. En 1919, dans une lettre à Tzara, Breton lui confie: “J’écris peu en ce moment, mûrissant un projet qui doit bouleverser plusieurs mondes. Ne croyez pas à un enfantillage ou à une idée délirante. Mais la préparation du Coup d’Etat peut demander quelques années. Je brûle d’envie de vous mettre au courant mais je ne vous connais tout de même pas assez”. “Ce projet s’annonçant mystérieusement comme une conspiration, commente Sarane Alexandrian, (1) c’est celui de rédiger un ouvrage tout entier en écriture automatique. Breton se montre bon prophète en pressentant qu’il va “bouleverser plusieurs mondes” (les mondes de la poésie, de l’art, de l’éthique en subiront notamment la secousse) et qu’il faudra des années pour lui assurer sa véritable portée”.
Comment ce chasseur à l’affût a-t-il débusqué son idée ? Ainsi: un soir, entre veille et sommeil, une phrase dénuée de sens précis entre seule dans sa conscience. Il entend, derrière ses yeux: “Il y a un homme coupé en deux par la fenêtre”. Il écoute la voix intérieure. L’étrange phrase en conduit d’autres, un troupeau de mots afflue, le submerge. Il se lève, hâtivement, pour ne point les perdre, il veut les inscrire sur quelque feuille. Il ne peut. Le fulgurant discours, à peine formulé, s’est dissout. Mais une conviction demeure: il y a là, sous la conscience, un flot d’images qui ne demandent qu’à jaillir au grand jour. Elles s’effacent aussitôt entrevues, comme s’évaporent les rêves. Il faut donc inventer un moyen capable de les capter à volonté, et de les fixer sans faute. Alors Breton se souvient des expériences de Saint-Dizier. Il se persuade que l’écriture automatique est seule capable de “faire entrer la source”, comme il dit. S’il ne se trompe point, il exprimera ainsi non point à proprement parler l’inconscient “mais un élément fluide, mouvant et pur, générateur de la pensée et du langage”, il permettra que s’épanche “un réservoir inépuisable d’images, un flux intérieur d’expressions non contaminé par la nécessité du sens”. (1) Mieux: à ses semblables il offrira un inestimable trésor, en prouvant que chacun est poète sans le savoir, et qu’il suffit, pour l’être vraiment, d’aller chercher au nid les mots. Enfin il montrera combien l’homme raisonnant est étranger à lui-même, ignorant ses tréfonds. Avec Philippe Soupault, il écrit alors “Les champs magnétiques”.
L’ouvrage paraît en 1921. Aussitôt d’autres suivent. Robert Desnos et Benjamin Péret publient “L’enfant planète”, Paul Eluard et Max Ernst “Le malheur des immortels”. Toutes ces oeuvres passent d’abord inaperçues. Leurs auteurs sans doute vont trop vite, et trop loin. ils ne sont pas compris. En fait leur travail n’est ni spirituel, ni littéraire: ils s’entraînent, sportifs psychiques, à déshabiller leur cervelle. Ils se cherchent dans une forêt de songes, et quand ils se trouvent, ils sont d’une rare beauté.
(1) Sarane Alexandrian - Le surréalisme et le rêve.

ARTHUR RIMBAUD/JACQUES LACOMBLEZ-J'AI EMBRASSE L'AUBE D'ETE

 
 
Jacques Lacomblez-J'AI EMBRASSE L'AUBE D'ETE ARTHUR RIMBAUD 1997





AUBE
ARTHUR RIMBAUD-ILLUMINATION


J'ai embrassé l'aube d'été.

... Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombre ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.

La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.

Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.

Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.

En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.

Au réveil il était midi.

jeudi 1 août 2013

FELICIEN ROPS - LA DAME AU COCHON

 
 
Félicien Rops-La Dame au cochon ou Pornokratès 1879
 
 
Cinquante ans avant le Manifeste, on trouve un peu la veine surréaliste chez le belge Félicien Rops, comme on peut la trouver chez Odilon Redon ou Alfred Kubin...
 
 
 
 
Félicien Rops est un artiste belge, peintre, aquafortiste, dessinateur, illustrateur et graveur, né à Namur le 7 juillet 1833, mort à Essonnes (aujourd'hui Corbeil-Essonnes), le 23 août 1898.
 
Félicien Rops écrit à propos de cette œuvre : « Ma Pornocratie est faite. Ce dessin me ravit. Je voudrais te faire voir cette belle fille nue chaussée, gantée et coiffée de noir, soie, peau et velours, et, les yeux bandés, se promenant sur une frise de marbre, conduite par un cochon à « queue d'or » à travers un ciel bleu. Trois amours - les amours anciens - disparaissent en pleurant (...) J'ai fait cela en quatre jours dans un salon de satin bleu, dans un appartement surchauffé, plein d'odeurs, où l'opopanax et le cyclamen me donnaient une petite fièvre salutaire à la production et même à la reproduction. » (Lettre de Félicien Rops à H. Liesse, 1879.)

Quelques commentaires parmi d'autres suivent l'exposition de l'œuvre : « Certains voient en ce cochon à la queue dorée l'image de la luxure et du lucre pilotant la femme, qui n'a pour seule excuse que son aveuglement; d'autres y perçoivent l'image de l'homme, bestial et stupide, mené en laisse par la femme. Cette image du cochon, comme celle du pantin ou du pierrot, est partagée par bien des contemporains de Rops. »

« Avec Pornokrates, nous assistons à l'avènement en art d'une femme contemporaine, arrogante, parée, impitoyable que glorifie Rops. »