Affichage des articles dont le libellé est Ouvrages. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Ouvrages. Afficher tous les articles

mardi 19 novembre 2013

Dictionnaire de l’objet surréaliste



"Dictionnaire de l’objet surréaliste", sous la direction de Pierre Ottinger,
co-éditions Centre Pompidou et Gallimard, Paris, 2013,
331 pages, 39 E



 
 
L’exposition et le livre « Dictionnaire de l’objet surréaliste » font la part belle aux artistes suisses. Le centre Pompidou et Didier Ottinger n’ont donc pas sacrifié à l’esprit franco-français. Meret Oppenheim , Giacometti occupent dans ce corpus une part non négligeable (euphémisme). Il est vrai que Paris pourra toujours se consoler en affirmant qu’ils ont « fait » des deux artistes des figures de proue du mouvement et de son falbala d’objets.
 
Mais le mérite de livre est aussi d’avoir ouvert au maximum le champ surréaliste en y insérant des créateur les plus récents (Cindy Sherman par exemple). Cette ouverture permet de contrebalancer beaucoup d’objets créés  dans les années 20-30. Ils  font figure plus de pièces ou bric-à-brac pour magasins d’antiquités que pour musées - même s’ils y trônent avec superbe en tant que fil rouge du mouvement. Reste sans doute à écrire un jour l’étude comparée des avant-gardes du début du XXème siècle pour remettre à sa juste place le Surréalisme  parmi d’autres mouvements. Les créateurs suisses y connurent aussi  un rôle majeur. De Dada bien sûr mais aussi au trop mal perçu Futurisme. 
 
Dans ce dictionnaire donné à voir et à lire aujourd’hui il faut vraiment revenir à Giacometti et sa « Boule suspendue » de 1930 pour accorder aux objets surréalistes une force poétique d’une dimension autre plus  platement ludique que cérébralement iconoclaste.  Face aux œuvres d’un tel créateur bien des statues sont anecdotiques et surannées. Leur visage de sel est celui d’amants irréels couverts de plume, avec un peu de sable sur leurs pieds. Ils semblent avoir eu - comme leurs créateurs - soif dans leur lit desséché sans comprendre que toute l’eau de leur renommée était partie se noyer dans la mer. Quant aux coqs surréalistes au panache blanc beaucoup se sont poussés du jabot afin de manger en un service de faïence. Mais exista parmi eux bien peu de Meret Oppenheim capable de métamorphoser une telle matière en poils.
 
Jean-Paul Gavard-Perret

dimanche 3 novembre 2013

Stefan Koldehoff, Tobias Timm : L'affaire Beltracchi



L'Affaire Beltracchi, par Stefan Koldehoff et Tobias Timm. Trad. de l'allemand par Stéphanie Lux. Ed. Jacqueline Chambon, 250 p., 24 euros.



 
 
 




mardi 22 octobre 2013

RENE CREVEL : Les Inédits / Lettres et textes



Les éditions du SEUIL viennent de publier une série de lettres et textes de René Crevel

400 pages - 23.00 € TTC



 
 
Lorsque l'écrivain surréaliste René Crevel se suicide le 18 juin 1935, il laisse à la postérité onze livres publiés et plus d'une centaine d'articles. Ami d'Eluard, de Breton, de Tzara, de Giacometti mais proche également de Jouhandeau, de Klaus Mann, ou de Jacques-Emile Blanche, Crevel aime tout autant fréquenter les hôtels particuliers de ses riches amis que les bals populaires de la rue de Lappe à Paris.
Dans L'Arbre à méditation, René Crevel se livre tout entier, dans un cri de révolte poussé contre la société des années 1930 et la montée du fascisme.
Ce roman inédit s'accompagne ici d'une centaine de lettres destinées à ses amis les plus proches, notamment Etienne de Beaumont, ou Tota Cuevas, sa dernière maîtresse qui éclairent d’un point nouveau les dernières années de l'écrivain jusqu’à son suicide. C'est à Tota Cuevas qu'il laissa les derniers mots écrits de sa main. «Prière de m'incinérer. Dégoût.»
 
Édition établie par Alexandre Mare
 
 
 

lundi 19 août 2013

LES 100 MOTS DU SURREALISME

 
 
 
 
Les 100 mots du surréalisme par Paul Aron et Jean-Pierre Bertrand, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », septembre 2010
 
 

Acte - Amérique latine - Amour - Anthologies et publications collectives - Antilles (Martinique, Haïti) - Aphorisme - Architectures - Arts plastiques - Arts primitifs (ou premiers) - Automatisme (écriture automatique) - Avant-garde - Beauté - Belgique - Bureau central de recherches surréalistes - Cadavre exquis - Cinéma - Collage - Collections, collectionneurs - Communisme - Compagnons de route - Consécration - Crime - Cruauté - Dada - Dissidences - Éditeurs, éditions - Enquêtes - Érotisme - Espagne (Catalogne, Canaries) - Esprit Nouveau - Essai - États-Unis d’Amérique - Éthique - Europe centrale et orientale - Expositions - Femme - Femmes surréalistes - Folie - Genres littéraires - Grande-Bretagne - Groupe - Guerres - Hasard (objectif) - Humour - Image - Inconscient - Insolite - Italie - Jeu - Jeux de mots - Langage - Littérature - Littérature (1919-1924) - Livre - Manifestes - Médium - Merveilleux - Musique - Nihilisme - Objet - Occultisme - Œil - Paranoïa-critique - Paris - ‘Pataphysique - Philosophie - Photographie - Poésie - Polémiques - Politique - Précurseurs - Procès - Prolongements - Québec - Raison - Réalité - Religion - Rêve - Révolution - Révolution surréaliste (La), 1924-1929 - Revues - Roman - Romantisme - Scandales - Scandinavie - Science - Sexualité - Situationnisme - Suicide - Surréalisme au service de la révolution (Le), 1930-1933 - Surréalisme-révolutionnaire (Le) - Surréalité (ou surréel) - Symbolisme - Théâtre - Théorie - Titres - Tracts - Utopie - Villes - Voyance.


De tous les mouvements artistiques qui ont marqué l’histoire du XXe siècle, le surréalisme est celui qui s’est imposé le plus durablement dans l’imaginaire collectif. Son projet était, il est vrai, d’une envergure rare : ses artistes se sont lancés dans une quête sans fin, qui permettrait de « changer la vie » sous toutes ses formes.Voici 100 mots, comme 100 « repères », pour présenter les priorités cardinales du surréalisme, les moyens de son existence, les formes de son organisation, en France et aussi à l’étranger. Cent mots, d’« aphorisme » à « tracts », d’« érotisme » à « scandale », pour restituer la diversité et la richesse du mouvement fondé par Breton, Aragon, Éluard et leurs amis proches. Un mouvement littéraire, mais aussi politique sans être inféodé, ouvert aux arts plastiques, au cinéma, à la photographie, et à toutes les formes de la pensée et de l’inconscient.

On croise dans ce petit essai, en plus de ceux des pères fondateurs, les noms d’Antonin Artaud, de Luis Buñuel, de Marc Chagall, de René Char, d’Achille Chavée, de Salvador Dali, de Paul Delvaux, de Robert Desnos, de Christian Dotremont, de Marcel Duchamp, de Max Ernst, de Frida Kalho, de Marcel Lecomte, de René Magritte, de Marcel Mariën, de Henri Michaux, de Juan Miró, de Paul Nougé, d’Octavio Paz, de Benjamin Péret, de Jacques Prévert, de Man Ray, de Francis Picabia, de Pierre Reverdy, de Louis Scutenaire, de Philippe Soupault, d’André Souris, d’Yves Tanguy, de Tristan Tzara et de quelques autres encore.



dimanche 18 août 2013

POSITION POLITIQUE DU SURREALISME 1935 (ANDRE BRETON)





"Transformer le monde" , a dit Marx ; "changer la vie " , a dit Rimbaud : ces deux mots d'ordre pour nous n'en font qu'un.



 


jeudi 8 août 2013

NADJA (ANDRE BRETON 1928)

 
 
 
ANDRE BRETON-EDITION ORIGINALE DE NADJA
 
 
 
 
 

 
 

 
EDITION AMERICAINE



 
EDITION TCHEQUE
 
 
Nadja est un récit autobiographique d'André Breton publié en 1928, revu et corrigé par l'auteur en 1962. Avec le ton neutre du « procès-verbal », du document « pris sur le vif », Breton rend compte « sans aucune affabulation romanesque ni déguisement du réel » des événements quotidiens survenus durant 9 jours entre lui et une jeune femme rencontrée le 4 octobre 1926 à Paris, Léona Delcourt, qui se surnommait elle-même « Nadja ».


UNE HEROINE DU SURREALISME : LEONA DELCOURT (1902-1941)

 
 
« Il a vu en Leona un symbole – l’héroïne du surréalisme. Il avait chéri, cultivé, perfectionné le symbole. Mais lorsqu’elle fit preuve, malgré tout, de petites mesquineries bien humaines, il dut reconnaître que Leona et sa création étaient deux personnes différentes. »
 
Hester Albach 
(Leona, Héroïne du Surréalisme Actes Sud)

 
 
 
 
 
En mai 1919, Léona rencontre un officier anglais encore mobilisé à Lille. Elle tombe enceinte, mais elle accouche seule, d'une fille, le 20 janvier 1920.
Elle refuse de se marier pour sauver les apparences, mais, quelque temps après, accepte la proposition de ses parents d'aller vivre à Paris sous la protection d'un vieil industriel tandis que sa fille Marthe resterait à Saint-André.
Léona arrive à Paris en 1923. Installée dans un petit appartement près de l'église Notre-Dame-de-Lorettes, on connaît mal ses moyens d'existence, « peut-être vendeuse, employée, figurante ou danseuse et fréquentant des milieux marginaux qui l'incitent au trafic de drogue ». (Marguerite Bonnet, « André Breton, Œuvres complètes, t.I : notice et notes », Gallimard, La Pléiade, Paris 1988)
 
Quand André Breton la rencontre dans la rue, le 4 octobre 1926, elle habite à l'hôtel du Théâtre rue Chéroy face à l'entrée des artistes du Théâtre des Arts de l'avenue des Batignolles.
 
Du 4 au 13 octobre, Léona et Breton se verront chaque jour. De ces rencontres quotidiennes, Breton écrira le récit « Nadja ». Elle a choisi ce pseudonyme de Nadja « parce qu'en russe c'est le commencement du mot espérance, et parce que ce n'en est que le commencement. »

Il voyait en elle « un génie libre, quelque chose comme ces esprits de l'air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s'attacher, mais qu'il ne saurait être question de soumettre. »
Après le 13 octobre, Breton la reverra « bien des fois ».

De son côté, elle envoie à Breton de nombreuses lettres et quelques dessins jusqu'à son internement en février 1927. Ils ont probablement convenu d'écrire chacun de leur côté un récit des événements qu'ils viennent de vivre. Début novembre, Nadja désapprouve le texte de Breton : « Comment avez-vous pu écrire de si méchantes déductions de ce qui fut nous, sans que votre souffle ne s'éteigne ?... / C'est la fièvre n'est-ce pas, ou le mauvais temps qui vous rendent ainsi anxieux et injuste ! […] Comment ai-je pu lire ce compte rendu… entrevoir ce portrait dénaturé de moi-même, sans me révolter ni même pleurer… ».

De son côté, Breton est déçu par le cahier dans lequel elle s'est confiée. Il le trouve trop « pot-au-feu. » Le 8 novembre, dans une lettre à sa femme Simone Breton, il se demande que faire puisque cette femme il ne l'aime pas et que vraisemblablement il ne l'aimera jamais. Il la juge « seulement capable […] de mettre en cause tout ce qu['il] aime et la manière qu['il a] d'aimer. Pas moins dangereuse pour cela. »

samedi 3 août 2013

ANDRE BRETON ; PREFACE AUX "LETTRES DE GUERRE" DE JACQUES VACHE (EDITEES EN 1919)

 
 
 
Jacques Vaché en uniforme de l'armée française vers 1915
 
 

 
  
Jacques Pierre Vaché, né à Lorient le 7 septembre 1895 et mort à Nantes le 6 janvier 1919, est un écrivain et un dessinateur français qui n'a laissé pour toute œuvre qu'une série de lettres, quelques textes et quelques dessins. Sa personnalité a exercé une profonde influence sur les surréalistes et, tout particulièrement, sur André Breton.
 
 
 
 
 
 
INTRODUCTION
À T. Fraenkel.

 
Les siècles boules de neige n'amassent en roulant que de petits pas d'hommes. On n'arrive à se faire une place au soleil que pour étouffer sous une peau de bête. Le feu dans la campagne d'hiver attire tout au plus les loups. On est mal fixé sur la valeur des pressentiments si ces coups de bourse au ciel, les orages dont parle Baudelaire, de loin en loin font apparaître un ange au judas.

 
C'est ainsi qu'en 1916 ce pauvre employé qui veillait permit à un papillon de demeurer sous l'appareil réflecteur dans son bureau. En dépit de sa jolie visière, — on était dans l'Ouest — il semblait n'avoir dans la tête qu'un alphabet morse. Il passait son temps à se souvenir des falaises d'Étretat et de parties de saute-mouton avec les nuages. Aussi accueillit-il avec empressement l'officier aviateur. A vrai dire, on ne sut jamais dans quelle arme Jacques servait. Je l'ai vu couvert d'une cuirasse, couvert n'est pas le mot, c'était le ciel pur. Il rayonnait avec celle rivière au cou, l'Amazone, je crois, qui arrose encore le Pérou. Il avait incendié de grandes parties de forêt-vierge, on le voyait à ses cheveux et à tous les beaux animaux qui s'étaient réfugiés en lui. Ce n'est pas le serpent à sonnettes qui m'empêcha jamais de lui donner la main. Il redoutait plus que tout certaines expériences sur la dilatation des corps. Si cela, disait-il, n'entraînait que des déraillements ! La barre qu'on chauffe à blanc dans Michel Strogoff n'était donc pas faite pour l'aveugler. Je l'ai vu souvent prendre à parti le Maître de Forges qu'il n'avait pas lu.

 
« Le feu du rasoir se communique à deux ou trois chambrettes en forme d'œufs dans un nid. Vous ferez bien de repasser. Le fer à cheval est une jolie invention à l'usage des gens sédentaires et s'explique par les vers d'Alfred de Musset. — Du temps des Grecs, le vase de Soissons (il montre sa tête, la garniture de cheminée) ; ainsi de suite.

 
Les élégances masculines sortent de l'ordinaire. La couverture du Miroir des Modes est couleur de l'eau qui baigne le gratte-ciel où on l'imprime. Les ventres humains, bâtis sur pilotis, sont par ailleurs d'excellents parachutes. La fumée qui s'échappe de ces chapeaux hauts de forme encadre de noir le diplôme d'honneur que nous voulions montrer aux amis et connaissances. Un jour les décorations nous grimperont après comme de petits chats.

 
Si nous nous mettons encore à genoux devant la femme, c'est pour lacer son soulier. Dans les retours sur soi, mieux vaut emprunter les routes carrossables. La voiture de madame est avancée puisque les chevaux tombent à la mer. Aimer et être aimé se poursuivent sur la jetée, c'est dangereux. Soyez sûrs que nous jouons plus que notre fortune dans les casinos. Surtout, ne pas tricher. Tu sais, Jacques, le joli mouvement des maîtresses sur l'écran, lorsqu'enfin on a tout perdu ? Fais voir les mains, sous lesquelles l'air est ce grand instrument de musique : trop de chance, tu as trop de chance. Pourquoi aimes-tu faire affluer le sang bleu aux joues de cette petite ? J'ai connu un appartement qui était une merveilleuse toile d'araignée.

 
Il y avait au centre de la pièce une cloche assez grosse qui rendait un son vexant tous les ans ou tous les quarts d'heure. À l'en croire la guerre n'aurait pas toujours existé, on n'aurait jamais su par ce temps ce qui pouvait arriver, etc. Il y avait bien entendu de quoi rire. Le débardeur d'alors n'y manquait pas, son amie lui faisait de jolies dettes comme de la dentelle. L'ancien élève de M. Luc Olivier Merson savait sans doute qu'en France l'émission de fausse-monnaie est sévèrement punie. Que voulez-vous que nous fassions ? La belle affiche : Ils reviennent. — Qui ? — Les Vampires, et dans la salle éteinte les lettres rouges de Ce soir-là. Tu sais, je n'ai plus besoin de prendre la rampe pour descendre, et sous des semelles de peluche, l'escalier cesse d'être un accordéon.

 
Nous fûmes ces gais terroristes, sentimentaux à peine plus qu'il était de saison, des garnements qui promettent. Tout ou rien nous sourit. L'avenir est une belle feuille nervée qui prend les colorants et montre de remarquables lacunes. Il ne tient qu'à nous de puiser à pleines mains dans les chevelures échouées. Le repas futur est servi sur une nappe de pétrole. L'ingénieur des usines et le fermier général ont vieilli. Nos pays chauds, ce sont les cœurs. « Nous avons mené la vie tambour battant. — Mon cher André, les épures vous laissent froid. J'ai fait venir ce rhum de la Jamaïque. L'élevage, voyez-vous, raidit l'herbe des prés ; d'un autre côté je compte sur le sommeil pour tondre mes troupeaux. L'alouette du matin, c'est encore une de vos paraboles. »

 
Les équilibres sont rares. La terre qui tourne sur elle même en vingt-quatre heures n'est pas le seul pôle d'attraction. Dans le Colorado brillant les filles montent à cheval et ravagent superbement notre désir. Les blouses étoilées des porteurs d'eau, ce sont nos calculs approchants. Les croisés s'arrêtaient à des puits empoisonnés pour boire.

 
Le célèbre baptême du feu rentre dans la nuit des superstitions adorables où figurent pour moi ces deux poissons attachés par une corde. C'est à elle que je t'abandonne. Des fruits moisissent sur l'arbre dans le feuillage noir. Je ne sais pas si l'on bat le grain ou s'il faut chercher une ruche tout près. Je pense à une noce juive. Un intérieur hollandais est ce qu'il y a de plus loin. Je te vois, Jacques, comme un berger des Landes : tu as de grosses échasses de craie. Le boisseau de sentiments n'est pas cher cette année. Il faut bien faire quelque chose pour vivre et la jolie relève à la capote souillée est une laitière dans le brouillard. Tu méritais mieux, le bagne par exemple. Je pensais t'y trouver avec moi en voyant le premier épisode de La Nouvelle Aurore, — mon cher Palas. Pardon. Ah ! nous sommes morts tous deux.

 
C'est vrai que le monde réussit à bloquer toutes les machines infernales. Il n'y a pas de temps perdu ? De temps, on veut dire les bottes de sept lieues. Les boîtes d'aquarelles se détériorent. Les seize printemps de William. R. G. Eddie... gardons cela pour nous.

 
J'ai connu un homme plus beau qu'un mirliton. Il écrivait des lettres aussi sérieuses que les Gaulois. Nous sommes au vingtième siècle (de l'ère chrétienne) et les amorces partent sous les talons d'enfants. Il y a des fleurs qui éclosent spécialement pour les articles nécrologiques dans les encriers. Cet homme fut mon ami.

 

ANDRE BRETON

vendredi 2 août 2013

ANDRE BRETON : QU'EST-CE QUE LE SURREALISME ?

ANDRE BRETON QU'EST CE QUE LE SURREALIsME
ILLUSTRATION DE MAGRITTE : LE VIOL 1934
 
 
 
 
André Breton: Qu'est-ce que le surréalisme?
 

C'est la cagoule de la souris d'hôtel chère à Victor Brauner


C'est le Cinquième livre de la Magie par René Char


C'est le vaisseau dont, en pleine tempête, René Crevel se rendit

      maître en fermant les yeux


C'est l'entrée de Salvador Dali tenant entre deux doigts levés la

      Pierre philosophale


C'est le moindre caprice de Marcel Duchamp


C'est un éclat de verre étincelant de Paul Eluard


Bien après l'invention de la soie, c'est Max Ernst tirant le fil

      d'Ariane du cocon des insectes mimétiques

C'est la lutte d'Alberto Giacometti contre l'ange de l'Invisible qui

      lui a donné rendez-vous dans les pommiers en fleurs


C'est le baiser de Georges Hugnet sur la bouche de poils de la Belle


C'est la vision de Valentine Hugo trouée par le cri de Sisteron


C'est l'oeuf de coucou déposé dans le nid (la couvée perdue)

      avec la complicité de René Magritte


c'est réapprendre à lire dans l'alphabet d'étoiles d' E.L.T. Mesens


C'est la grande leçon de mystère de Paul Nougé


C'est la beauté de Benjamin Péret écoutant prononcer les mots

      de famille de religion et de patrie


C'est le miroir cambré au bras de Man Ray


C'est l'apparition d'Yves Tanguy coiffé du paradisier grand

      émeraude


C'est la voilette qui retient les chapeaux de cantharides de

      Tristan Tzara

 
 
 
André Breton: Documents 34, 2è année, n° 2 novembre 1934, Bruxelles.