lundi 22 juillet 2013

ANDRE BRETON - LA MAISON D'YVES

Yves Tanguy-Sans titre (Il vient), 1928


La maison d'Yves
Tanguy
Où l'on n'entre que la nuit

Avec la lampe-tempête

Dehors le pays transparent
Un devin dans son élément

Avec la lampe-tempête

Avec la scierie si laborieuse qu'on ne la voit plus

Et la toile de
Jouy du ciel —
Vous, chassez le surnaturel

Avec la lampe-tempête

Avec la scierie si laborieuse qu'on ne la voit plus

Avec toutes les étoiles de sacrebleu

Elle est de lassos, de jambages
Couleur d'écrevisse à la nage

Avec la lampe-tempête

Avec la scierie si laborieuse qu'on ne la voit plus
Avec toutes les étoiles de sacrebleu
Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules antennes

L'espace lié, le temps réduit
Ariane dans sa chambre-étui

Avec la lampe-tempête

Avec la scierie si laborieuse qu'on ne la voit plus

Avec toutes les étoiles de sacrebleu

Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules

antennes
Avec la crinière sans fin de l'argonaute

Le service est fait par des sphinges
Qui se couvrent les yeux de linges

Avec la lampe-tempête

Avec la scierie si laborieuse qu'on ne la voit plus

Avec toutes les étoiles de sacrebleu

Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules

antennes
Avec la crinière sans fin de l'argonaute
Avec le mobilier fulgurant du désert

On y meurtrit on y guérit
On y complote sans abri

Avec la lampe-tempête

Avec la scierie si laborieuse qu'on ne la voit plus

Avec toutes les étoiles de sacrebleu

Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules

antennes
Avec la crinière sans fin de l'argonaute
Avec le mobilier fulgurant du désert
Avec les signes qu'échangent de loin les amoureux

C'est la maison d'Yves
Tanguy

ANDRE BRETON

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